Portrait photo Elisabeth Préfontaine.
Gracieuseté

Elisabeth Préfontaine s’est lancée dans l’industrie financière en 1994. Elle a ensuite rejoint l’équipe de BMO en tant que responsable des relations, assistant chef d’équipe.

« J’ai commencé juste avant que l’internet soit mainstream. C’était l’époque des services bancaires par téléphone. En fait, je suis assez vieille pour avoir encaissé le coupon physique d’une obligation en succursale, mais assez jeune pour avoir transigé des Bitcoins », s’amuse-t-elle.

La détentrice d’une maîtrise en services financiers de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et de la charte CFA, a donc participé à l’émergence des services bancaires en ligne. Finalement, au cours de sa carrière financière, Elisabeth Préfontaine a eu l’occasion de travailler dans les marchés des capitaux au pupitre obligataire et au pupitre des produits dérivés, ainsi qu’à la distribution de produits tels que les fonds de couvertures et les fonds négociés en Bourse (FNB). Sa dernière expérience était auprès de Blackrock iShares en tant que cheffe des ventes de la distribution canadienne, elle a été chez BlackRock plus de six ans (de 2011 à 2017).

Un tournant décisif

Après ces nombreuses expériences, Elisabeth Préfontaine a décidé de lancer une entreprise en technologies financières (fintech), du nom de Rative. Cependant. elle a rapidement été bloquée dans ses démarches.

La mission de Rative était d’offrir aux investisseurs particuliers un outil pour les aider à évaluer la performance de leur compte de placement par rapport à une population d’autres investisseurs au profil similaire.

Le but poursuivi par Elisabeth Préfontaine était d’accroître le niveau de responsabilité des conseillers en placement envers leurs clients. Malgré son enthousiasme et le besoin qu’elle percevait dans l’industrie, elle s’est rapidement heurtée à de nombreux obstacles. Sur le plan pratique, elle s’est vite rendu compte que l’infrastructure informatique du secteur financier ne lui permettrait pas de réunir les informations nécessaires à Rative. De plus, les institutions financières ne se disaient pas intéressées par son idée.

« L’innovation est bloquée et selon moi, si on ne peut pas avoir de discussion de gestion de portefeuille avec les conseillers en placement parce que ceux-ci n’ont pas de mesure de risque et autres statistiques quantitatives, il n’y a vraiment aucune discussion de gestion de portefeuille pertinente possible », affirme Elisabeth Préfontaine.

Cette expérience l’a finalement convaincue d’abandonner l’industrie des services financiers. « J’ai compris que je ne pouvais plus travailler dans cette industrie pour une question d’éthique profonde. S’il n’y a pas de mesure de risque et de statistiques comparatives, il n’y a pas d’objectivité », confie-t-elle dans un billet de blogue qu’elle a écrit sur ce sujet.

Une nouvelle orientation

À la même époque que cette tentative avortée de Fintech, Elisabeth Préfontaine a découvert Bitcoin. Elle a tout de suite été séduite par ce monde rapide et en évolution constante, son écosystème et ses applications.

Déjà attirée par le numérique depuis des années, elle découvrait enfin une technologie qui fonctionnait.

En 1996, Elisabeth Préfontaine avait ainsi participé à mbanx, qui voulait devenir la première banque virtuelle au monde. Une idée du président-directeur général de la Banque de Montréal de l’époque.

« C’était super intéressant, dynamique, jeune et on voulait faire les choses différemment, mais la technologie n’était pas là, se rappelle-t-elle. L’idée était bonne quoique beaucoup trop en avance sur son temps.  Avec Bitcoin, il y a une technologie qui fonctionne, et quand je l’ai découvert, je me suis dit s’il y a seulement 10 % de ce que je vois qui est vrai, il s’agit d’un immense bouleversement. »

Elle s’est donc lancée dans l’étude de Bitcoin, y consacrant de nombreuses heures pour en comprendre toutes les implications. « Avec Bitcoin, si on n’étudie pas un petit peu tous les jours, on est en retard », affirme-t-elle.

Bien qu’elle s’intéresse au bitcoin, Élisabeth Préfontaine a peu d’intérêt pour les autres cryptomonnaies. « Bitcoin et cryptomonnaie ne sont pas des synonymes interchangeables. La cryptomonnaie n’est pas une catégorie uniforme », explique-t-elle. Une différence essentielle sépare ainsi le Bitcoin des autres cryptomonnaies : le Bitcoin n’a jamais levé d’argent pour être développé. Bitcoin provient d’un Whitepaper qui a été publié en 2008, qui repose sur près de 20 ans de recherche et d’essais préalables, et de là, des développeurs bénévoles ont décidé de tenter d’implanter le protocole.

« Personne n’a demandé d’argent et le marché a attribué spontanément une valeur au bitcoin. Bitcoin n’a jamais été une valeur mobilière, il a été fonctionnel dès le début », souligne Elisabeth Préfontaine.

En août 2017, elle a finalement lancé Octonomics, une société indépendante de recherches et de conseils dédiée aux technologies financières. Ce service sur mesure est conçu pour soutenir la compréhension et la formation continue nécessaires pour se tenir au courant de l’évolution de l’écosystème. Le cabinet aide les clients qui ont besoin d’une personne-ressource pour poser leurs questions.

« Octonomics peut tenir ses clients au courant des dernières nouvelles ou les aider à acquérir le savoir-faire nécessaire à l’achat et à la vente de bitcoin tout en les éduquant sur la façon d’assurer la garde sécuritaire des actifs », apprend-on sur le site de la société.

Les dangers et opportunités liés à la blockchain et la cryptomonnaie

Plusieurs dangers sont associés à ce type de technologies selon Elisabeth Préfontaine. Celle-ci prévient ainsi qu’il faut faire attention à ne pas aller trop vite et ainsi manquer des nuances importantes en confondant blockchain, cryptomonnaie, bitcoin ou encore Libra, ou en ne les comprenant pas. La Blockchain, par exemple, n’est pas une technologie qui se tient seule. C’est un amalgame de plusieurs technologies qui rendent bitcoin possible et unique. Ou encore, Bitcoin (B majuscule) représente le protocole et le réseau, bitcoin (b minuscule) est la devise intégrée à ce protocole. C’est le même nom, et cela peut porter à confusion car ils sont imbriqués l’un dans l’autre.

En faisant trop d’amalgames, Elisabeth Préfontaine craint que certains s’attardent ainsi trop « aux variations de prix du bitcoin sans comprendre la profondeur technique de l’innovation. »

Un autre danger qu’elle identifie serait de s’intéresser uniquement au narratif marketing sans avoir pris en compte les défis techniques nécessaires à son utilisation.

Cependant, bitcoin représente aussi nombre d’opportunités que certains joueurs canadiens exploitent déjà.

« Fidelity Digital mine du bitcoin depuis 2015 et vient de fonder Fidelity Digital Assets, afin d’offrir un service de garde de valeurs pour le bitcoin. Il y a aussi Bakkt qui est sur le point de lancer des contrats à terme sur bitcoin qui seront compensés physiquement », énumère la spécialiste.

Le secteur financier canadien aurait donc intérêt à développer de l’infrastructure pour le stockage, les transactions et l’assurance des portefeuilles Bitcoins. Elisabeth Préfontaine craint que le Canada tarde trop et se fasse ainsi doubler par des entreprises étrangères.

« Les banques jouissent de certains avantages pour retarder l’innovation et pour avoir du succès, une Fintech doit presque inévitablement servir les institutions financières en offrant des moyens d’automatiser et de simplifier les centres de coûts tout en préservant les centres de profits. Mais entre-temps, plusieurs entrepreneurs et innovateurs sont bloqués et cela se fera éventuellement sentir sur le développement économique du Canada », prévient-elle.

La deuxième opportunité qu’elle voit est une opportunité d’investissement. « D’un point de vue de gestion de portefeuille, bitcoin offre un bénéfice de diversification et une source de rendement différente », souligne-t-elle.

« L’opportunité est d’abord de comprendre l’innovation que représente Bitcoin, ensuite d’apprécier la profondeur du sujet, puis de se positionner », conclut-elle.