fizkes / 123rf

Quand elle a lu le rapport Femmes et innovation : Huit changements à nos comportements qui feront avancer les choses, la présidente de l’Association des femmes en finances du Québec (AFFQ), Françoise E. Lyon, n’a même pas réalisé qu’il se penchait sur le domaine technologique. « Les mesures s’appliquent tellement à toutes les industries que je croyais que c’était des constats généraux. »

Celle qui est aussi présidente et associée directrice de DGC Capital estime justement que les employés de tous les secteurs doivent être mis au courant des barrières systémiques qui ralentissent les femmes dans leur ascension professionnelle, car « quelqu’un qui ne sait pas ne peut pas s’améliorer ni proposer des solutions ».

« Nous sommes à une étape où il ne suffit plus de savoir ; nous devons agir, et ce, à petite et grande échelle », a toutefois fait remarquer à la sortie du rapport Jodi Kovitz, fondatrice et chef de la direction de l’organisme qui l’a co-publié, #movethedial.

Voici les mesures proposées, qui doivent selon PwC « être appliquées ensemble, de manière continue et cohérente » pour avoir un impact significatif. « Elles créent une synergie qui accélère l’obtention de résultats qui perdurent dans le temps, donc le risque – ou l’investissement – en vaut la chandelle », appuie Françoise E. Lyon.

Éliminer les stéréotypes de genre dans le processus d’embauche : Par exemple en s’en tenant au langage non genré (« la personne ») dans les offres d’emplois, autant dans les pronoms que dans les caractéristiques recherchées.

Élargir les critères d’embauche et lutter contre les préjugés inconscients : Entre autres en supprimant le nom du candidat de son CV avant d’examiner son dossier. Si certains documents indiquent son sexe et son âge, les retirer également. « Cela permet de diminuer les biais inconscients et d’évaluer la personne uniquement sur ses accomplissements et son potentiel futur », précise la présidente de l’AFFQ.

Souligner l’importance des leaders féminins : En augmentant la visibilité des femmes qui font figurent de modèles, par exemple en les invitant à prononcer des discours dans différents évènements. C’est ce que fait BMO avec son hommage annuel aux femmes, et ce à quoi se sont employés Finance et Investissement, Avantages et Conseiller en organisant la conférence Femmes dans l’industrie financière le 5 juin.

« Avec les médias sociaux, il est très facile de souligner les bons coups, fait remarquer Françoise E. Lyon. Et si nos collègues femmes sont gênées de le faire elles-mêmes, nous devrions penser à le faire à leur place. Ça peut aussi être par l’intranet ou l’infolettre de l’entreprise. » L’AFFQ se fait aussi un point d’honneur à publiciser le succès de ses membres.

Promouvoir une culture qui valorise l’opinion des femmes : À la fois en recherchant activement l’opinion des femmes, en exprimant plus souvent et plus vocalement votre accord avec elles et en leur laissant prendre la parole dans les réunions. « Dans une situation où la voix d’une femme a été étouffée ou enterrée par celle d’un homme, un de ses collègues doit relever l’incident pour que tous en soient conscients », illustre Françoise E. Lyon. Intervention qui aura d’autant plus de poids si elle est faite par un gestionnaire de haut niveau.

Inclure les hommes comme parties prenantes des changements positifs : Les hommes doivent être encouragés à appuyer les changements, même qu’il s’agit d’un « facteur essentiel » au moment de mettre en œuvre de politiques de tolérance zéro à l’égard des comportements sexistes. « Ce n’est pas une affaire de femmes, mais une affaire de société, pointe la présidente de l’AFFQ. Si on veut changer les choses, il faut que ce soit fait en collaboration. Surtout tant qu’il y aura davantage d’hommes en position de prendre les décisions » qui se rapportent à la parité. Et en position d’influencer les pratiques dans l’entreprise. « Quand un premier vice-président prend plusieurs mois de congé parental – à la forte suggestion de sa présidente –, ça devient ensuite acceptable pour tous les autres employés. »

Pousser le mentorat plus loin, vers le parrainage : Le parrainage est une manière tangible de faire avancer les femmes au sein de l’entreprise, mais aussi à l’extérieur — sur les conseils d’administration, par exemple. Un programme structuré facilite le développement de carrière. « Mais il faut combattre la tendance humaine de jumeler des gens qui se ressemble, averti Françoise E. Lyon. Il ne faut pas hésiter à réunir deux personnes totalement différentes pour les sensibiliser à la diversité. »

Constituer des équipes représentatives de votre clientèle : Les organisations doivent aussi s’assurer qu’à la fois leur effectif et leur équipe de direction reflètent bien leur clientèle. Une fois des cibles fixées, il est important de communiquer les démarches entreprises pour les atteindre. « Dans la société québécoise actuelle, cette mesure ne s’applique pas qu’aux femmes, rappelle Françoise E. Lyon. Il est essentiel de se pencher sur les autres types de diversités — culturelle, religieuse, ethnique, sexuelle, etc. —, parce que c’est la même problématique, mais avec des préjugés différents. »

Défendre les intérêts de toutes les femmes… et les vôtres : Que ce soit en matière d’avancement, de soutien ou de nouvelles embauches, les femmes doivent amorcer les discussions avec leur employeur. Elles doivent également faire connaître leurs ambitions personnelles et s’entourer de gens qui pourront les aider à les réaliser.

Les banques sur la bonne voie

La présidente de l’AFFQ estime qu’« au cours des cinq à sept dernières années, les banques, les grandes institutions et les gros bureaux de comptable n’ont pas eu le choix de faire des efforts pour commencer à mettre en place des politiques liées aux femmes, parce qu’ils savent que leur pérennité est en jeu ».

La Banque Nationale a par exemple lancé plusieurs initiatives, dont un programme de mentorat pour les femmes conseillères en placement et un autre pour appuyer les femmes qui souhaitent étudier pour œuvrer dans le secteur des marchés financiers. De son côté, la Banque Scotia a annoncé le 30 mai avoir signé les Principes d’autonomisation des femmes des Nations unies, dont plusieurs s’approchent d’ailleurs des recommandations de PwC.

Dans l’ensemble, les femmes constituaient 58,3 % des employés des six plus grandes banques du Canada (excluant leurs filiales) – dont 37,6 % des cadres supérieurs et 49,2 % des cadres intermédiaires – en 2017, selon l’Association des banquiers canadiens. Et leurs conseils d’administration comptaient en moyenne 36 % de femmes, une proportion qui dépasse l’objectif du Club des 30 %. Cette organisation vise à ce que les c.a. et les hautes directions canadiennes soient composés de 30 % de femmes d’ici 2022.

« Ceux qui prennent davantage de temps à embarquer dans les changements, c’est les petites boîtes privées, qui sont un peu plus archaïques, fait remarquer la présidente de l’AFFQ. Mais si elles ne s’y mettent pas, elles risquent de ne pas pouvoir attirer les employés dont elles ont besoin. »