Un homme d'affaire en position pour se lancer dans une course.
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Il est généralement recommandé de fermer le compte CÉLI rapidement après le décès et de déposer les sommes ou les placements dans le compte de la succession, et ce, qu’il y ait possibilité de roulement vers le CÉLI du conjoint survivant ou non. Voici les principales raisons.

Notons tout d’abord que trois types de CÉLI peuvent être offerts : un dépôt, un contrat de rente et un arrangement en fiducie. Le présent article ne traitera que des CÉLI de type fiducie.

Il convient également de prendre note que les notions de « titulaire remplaçant » et de « bénéficiaire désigné » ne seront pas abordées dans le présent texte et qu’au Québec, seuls les CÉLI de type contrat de rente, habituellement disponibles auprès des compagnies d’assurances, permettent de nommer un « titulaire remplaçant » ou un « bénéficiaire désigné ».

Que se passe-t-il au décès?

Le compte CÉLI demeure une fiducie non imposable jusqu’au 31 décembre de l’année qui suit le décès (« période de roulement »). L’entièreté des revenus et de la plus-value accumulés entre le moment du décès et la fin de la période de roulement, qu’ils soient réalisés ou non, payés à la succession ou aux héritiers, devient imposable à la fermeture du compte à titre de revenu « ordinaire ». Si le compte CÉLI continue d’exister après la fin de la période de roulement, les revenus (intérêts, dividendes, revenus étrangers) ainsi que les gains réalisés futurs deviennent imposables selon les règles similaires applicables aux fiducies entre vifs, soit au taux marginal le plus élevé sur les premiers dollars.

Durant le règlement de la succession, le liquidateur peut conserver le CÉLI ouvert ou le fermer. S’il ferme le compte CÉLI, il pourra verser les liquidités (si les placements sont vendus avant la fermeture du CÉLI) ou déposer les placements dans le compte de la succession. Selon cette dernière option, la succession est réputée acquérir les placements à leur juste valeur marchande (« JVM ») au moment de la fermeture du compte CÉLI (voir les exemples ci-dessous).

À la suite du règlement de la succession, que le compte CÉLI demeure ouvert ou non, le liquidateur versera à l’héritier les sommes liées au CÉLI selon les modalités testamentaires. Si le conjoint est l’héritier, ce dernier pourra procéder au roulement à son propre CÉLI. Les étapes de roulement par le biais de la désignation d’une « cotisation exclue » (en vertu des définitions du paragraphe 207.01(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. »)) sont les mêmes, que le compte CÉLI demeure ouvert jusqu’au paiement à l’héritier, ou qu’il soit fermé et versé précédemment au compte de la succession.

Roulement du CÉLI au conjoint survivant et désignation à titre de « cotisation exclue »

Lorsqu’un conjoint survivant hérite du compte CÉLI en raison du décès, il est alors en mesure de cotiser la totalité ou une partie du montant qu’il reçoit à son propre CÉLI, et ce, sans influer sur ses propres droits de cotisation CÉLI (roulement). Le conjoint doit alors désigner cette cotisation à titre de « cotisation exclue » sur le Formulaire RC240 dans les 30 jours suivant la journée où il fait la cotisation (ou une période plus longue qui requiert alors l’approbation de l’Agence du revenu du Canada (« ARC »)). Le montant de la « cotisation exclue » ne pourra excéder le moins élevé des trois montants suivants :

  • le « paiement au survivant », soit un paiement qu’un conjoint a reçu au cours de la période de roulement à la suite du décès du titulaire, provenant directement ou indirectement d’un arrangement qui a cessé d’être un CÉLI en raison du décès du titulaire;
  • la JVM au décès;
  • zéro (ou tout montant supérieur autorisé par l’ARC), si le particulier avait un excédent CÉLI immédiatement avant son décès ou si le paiement est fait à plus d’un conjoint du défunt.

Augmentation de la valeur après le décès

Si le compte CÉLI demeure ouvert durant le règlement de la succession, toute plus-value accumulée entre le moment du décès du titulaire et le moment du paiement à l’héritier ou à la succession sera imposable comme un revenu « ordinaire » (un Feuillet T4A sera émis). Ainsi, le dividende et le gain (perte) en capital perdent leur nature. De plus, tout gain en capital sera imposé comme un revenu qu’il soit réalisé ou non. Fermer le compte CÉLI rapidement après le décès et déposer les placements dans le compte de la succession permet non seulement de conserver la nature des revenus, mais également de reporter l’imposition du gain en capital accumulé (mais non réalisé) lors d’une disposition ultérieure.

  • Exemple
  1. X est décédé le 8 novembre 20X0. Aux termes de son testament, il a légué la totalité de ses biens à sa conjointe. La JVM du CÉLI au décès était de 100 000 $. Le 15 juin 20X1, le liquidateur ferme le CÉLI et verse à l’héritière la somme de 107 000 $. Cette plus-value est attribuable à des dividendes d’une valeur de 2 000 $ et à un gain en capital non réalisé de 5 000 $.

Puisque le compte CÉLI est demeuré ouvert après le décès, Madame s’imposera sur un revenu « ordinaire » de 7 000 $. Un Feuillet T4A lui sera émis. L’héritière étant la conjointe survivante, elle pourra verser une « cotisation exclue » à son propre CÉLI d’un montant maximum de 100 000 $ sans utiliser ses droits de cotisation (roulement).

Afin de préserver la nature des revenus générés quant à la plus-value après la date de décès, le liquidateur peut fermer rapidement le CÉLI et déposer les placements dans le compte de la succession. Dans notre exemple, supposons que la valeur des placements au moment de la fermeture du compte CÉLI est de 100 000 $, les revenus de dividende de 2 000 $ conserveront leur nature et pourront être imposés dans la succession ou entre les mains de l’héritier (si le liquidateur rend ses sommes payées payables). Quant au gain en capital, il sera imposé seulement lorsque la succession ou l’héritier (si le paragraphe 107(2) L.I.R. s’applique) disposera réellement des titres. Ainsi, si la succession réalise le gain, il sera possible d’imposer soit la succession, soit l’héritier (si le liquidateur rend ses sommes payées payables), et ce, en respectant bien entendu les modalités du testament. Lorsqu’il y a plusieurs héritiers, il serait fortement souhaitable que le testament soit clair quant à ceux qui devront profiter des fruits et revenus et ceux qui profiteront de la croissance (gain en capital).

Tel qu’il a été mentionné précédemment, la succession est réputée acquérir les placements à leur JVM au moment de la fermeture du compte CÉLI. Ainsi, dans notre exemple, si au moment de la fermeture du compte CÉLI et du dépôt des placements dans le compte de la succession, la valeur des placements est de 100 500 $, la succession recevra un Feuillet T4A pour un revenu « ordinaire » de 500 $ et la succession sera réputée acquérir les placements à 100 500 $.

Baisse de la valeur après le décès

Le roulement au CÉLI du conjoint survivant peut être limité à une valeur moindre que la JVM au décès si les placements dans le compte CÉLI diminuent de valeur après le décès. Fermer le compte CÉLI rapidement après le décès et déposer les placements (ou les liquidités) dans le compte de la succession permet de « cristalliser » la valeur admissible à titre de « cotisation exclue ». Dans un tel contexte, si le conjoint reçoit des sommes suffisantes de la succession (au moins l’équivalent de la JVM du CÉLI au décès), il sera en mesure de verser et de désigner à titre de « cotisation exclue » (roulement) un montant au moins égal à la JVM au décès, et ce, malgré la baisse de la valeur des placements liés au compte CÉLI après sa fermeture.

  • Exemple

Reprenons l’exemple précédent, mais en posant l’hypothèse que les placements du compte CÉLI ont diminué de valeur et totalisent seulement 90 000 $ au moment du paiement à la conjointe survivante, soit le 15 juin 20X1, et qu’elle reçoit de la succession une valeur totale de 300 000 $, soit les placements du CÉLI (90 000 $) et d’autres liquidités.

Compte CÉLI demeuré ouvert après le décès : si le compte CÉLI demeure ouvert jusqu’au moment du versement à la conjointe survivante, soit le 15 juin 20X1, le roulement au CÉLI (« cotisation exclue ») sera limité à 90 000 $.

Compte CÉLI fermé rapidement après le décès : on se référera à la question 4 de la Table ronde sur la fiscalité des stratégies financières et des instruments financiers du Congrès 2019 de l’APFF : quatre situations permettent de conclure à cette interprétation.

  • Cristallisation de la valeur de la « cotisation exclue »

Si le CÉLI est fermé au moment où les placements ont une valeur de 100 000 $ et qu’ils sont déposés dans le compte de la succession, la JVM du CÉLI au décès pourra être « roulée » dans la mesure où le conjoint survivant aura droit au CÉLI en vertu du testament et qu’il reçoit une somme équivalente ou plus élevée de la succession. Ainsi, au moment du paiement au conjoint survivant, même si les placements attribuables au CÉLI ont diminué de valeur (90 000 $), le roulement au CÉLI du conjoint survivant sera possible pour une valeur de 100 000 $ (et non 90 000 $ comme précédemment). Le montant admissible sera donc égal au moindre :

  • du paiement au survivant (100 000 $);
  • de la JVM du CÉLI au décès (100 000 $).

Il convient cependant de noter que si, au moment de la fermeture du compte CÉLI, la valeur est moindre que la JVM au décès (par exemple 97 000 $), la « cotisation exclue » sera limitée à ce montant en raison de la définition de « paiement au survivant ». Ainsi, dans un tel contexte, cette planification protège contre toute baisse de valeur ultérieure, mais ne permet pas de rattraper une hausse de valeur subséquente pour ramener la « cotisation exclue » à la JVM au décès (100 000 $).

  • Conservation de la perte en capital non perdue

Si certains titres sont à perte au moment d’une disposition ultérieure, ces pertes en capital pourront être utilisées soit par la succession, soit par l’héritier, selon le propriétaire des titres à ce moment. À cet égard, si la succession vend certains titres à perte, une planification pourra être effectuée afin d’optimiser l’utilisation de telles pertes. Par exemple, ces pertes pourront éponger du gain en capital réalisé par la succession ou encore le choix du paragraphe 164(6) L.I.R. permettra de reporter ces pertes dans la déclaration de revenus du défunt. Il est également possible que la planification optimale soit de remettre les titres à l’héritier en vertu du paragraphe 107(2) L.I.R. (au prix de base rajusté), ce qui permettra à l’héritier de réaliser une perte en capital si les titres sont toujours à perte au moment de leur vente.

Délais administratifs

Fermer rapidement le compte CÉLI et déposer les sommes ou placements au compte de la succession nécessitera bien entendu un « certain » délai. L’institution financière doit suivre les instructions du représentant légal de la succession et, par conséquent, se faire confirmer qui est le liquidateur. À ce titre, elle exigera notamment une preuve de décès officielle, les certificats de recherches testamentaires (Barreau et Chambre des notaires) et une copie du dernier testament, le cas échéant.

Roulement au conjoint

Lors du roulement au conjoint survivant, toutes les étapes doivent être scrupuleusement suivies, et ce, dans les délais prescrits. Ainsi, afin de bénéficier du roulement, la cotisation doit être versée au CÉLI du conjoint survivant pendant la « période de roulement » (soit au plus tard le 31 décembre de l’année qui suit le décès ou un délai plus long autorisé par l’ARC). Le conjoint survivant doit désigner la cotisation à titre de « cotisation exclue » sur le Formulaire RC240 dans les 30 jours suivant le versement à son propre CÉLI. Il convient de noter que la responsabilité de remplir ce formulaire demeure celle du conjoint survivant, et ce, même si certains conseillers ou institutions financières aident ce dernier à le remplir.

Conclusion

D’un point de vue strictement fiscal, généralement, qu’il y ait roulement au CÉLI du conjoint survivant ou non (par exemple si l’héritier du CÉLI n’est pas le conjoint), il semble avantageux de fermer le compte CÉLI rapidement et de déposer les sommes ou placements dans le compte de la succession, bien que cela rende possiblement le volet administratif un peu plus complexe. Ne perdons toutefois pas de vue que lors du règlement d’une succession, la fiscalité doit avant tout être guidée par l’aspect juridique. Ainsi, avant de poser certains gestes de nature fiscale, une analyse juridique est requise afin de s’assurer qu’aucun préjudice ne sera subi par les héritiers et la succession.

Natalie Hotte, D. Fisc., Pl. Fin., Conseillère principale, Planification et fiscalité, Trust Banque Nationale, natalie.hotte@bnc.ca

Ce texte a paru initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, (Printemps 2020), vol. 25, no 1.