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Cette intention a non seulement été bien reçue, mais elle l’a été avec une sorte de soupir de soulagement : plusieurs articles rapportant cette annonce sont éloquents. (2)

De quels titres parle-t-on?

Le titre qui revient le plus souvent dans les exemples de responsabilités « fictives » est celui de vice-président ou de vice-président directeur ou principal.

Il pourrait y en avoir d’autres, la clef étant qu’un titre indique que la personne qui le détient  occupe un poste de direction, donc un poste qui lui donne accès à des informations ou à un niveau d’influence que n’a pas un employé régulier.

Pourquoi est-ce trompeur?

Il est utile ici de rappeler la définition de « dirigeant » d’un émetteur assujetti, prévue à la Loi sur les valeurs mobilières, qui dresse la nomenclature des postes d’importance tels celui de président ou de chef des finances et qui y inclut celui de vice-président. (3)

La loi crée à l’égard de tous ces dirigeants une présomption d’initié de l’émetteur qui emporte une obligation de déclaration de leurs intérêts personnels dans la société émettrice auprès des autorités qui peuvent vérifier si ces dirigeants respectent leurs obligations et éventuellement les sanctionner. (4)

Ce qui est au coeur de ces dispositions législatives, ce sont les notions d’emprise et de contrôle que le public investisseur est en droit de connaître, ainsi que la possibilité pour les autorités de s’assurer que ces dirigeants ne profitent pas personnellement d’informations auxquelles leurs fonctions leur donnent accès, ce qui serait au détriment des autres investisseurs.

Traitement apporté par les ACVM

Au cours des années antérieures, les ACVM ont donné des dispenses de déclaration aux dirigeants qui avaient des titres de dirigeants, mais qui dans la réalité n’occupaient pas des fonctions leur donnant influence ou accès à des informations sensibles de l’émetteur.

Pourquoi?

Pour permettre aux autorités de se concentrer sur les vrais initiés tenus de produire des déclarations.

Un pas de plus 

EN 2010, les ACVM ont innové en créant un régime statutaire de dispense de déclaration par rapport à des dispenses spécifiques. (5)

Cette approche a eu pour effet de réduire la paperasse, mais elle a également le grand avantage de responsabiliser les dirigeants puisqu’il leur appartient désormais d’établir s’ils entrent dans le cadre de la dispense réglementaire et surtout de produire des déclarations ou de faire les validations requises auprès des autorités, en cas de doute.

D’autres sons de cloche

Les tribunaux

On peut ici faire référence à une décision de la Cour Supérieure du Québec de 2006 qui a condamné une société à verser des dommages punitifs exemplaires de 1,5 million de dollars (M$) à des retraités qui avaient été victimes d’abus par un représentant de cette société. (6)

Parmi les motifs invoqués pour établir la responsabilité génératrice de dommages, le juge note le titre de vice-président du représentant :

« La défenderesse a attribué à […] des titres bidon, en l’occurrence le titre de « vice-président » […] en plus de l’avoir laissé utiliser le titre de « spécialiste dans les placements de retraités ». Il s’agit de fausses représentations qui ont induit les demandeurs en erreur, leur ont caché la réalité, les ont désinformés, les ont confortés dans leur confiance […] La défenderesse a commis une faute au chapitre de ses obligations d’information et de conseil, en plus d’induire les demandeurs en erreur. » . (7)

« En principe, un vice-président est une personne qui occupe un poste de direction dans une entreprise […] il s’agit d’un titre prestigieux […] possédé par peu d’individus » (8)

« En 1995, il y avait 206 vice-présidents […] sur 556 représentants et 300 sur 700 en 2000. (9)

L’organisme d’autoréglementation

L’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) a tenté de réduire le nombre de titres, a produit un Glossaire à l’intention des clients pour s’y retrouver et a rappelé à ses membres l’importance d’éviter la confusion dans les titres et les informations sur les compétences des représentants. (10)

Aller plus loin?

Au-delà de la règle interdisant  d’utiliser des titres ou des appellations confuses ou trompeuses, serait-il possible de simplifier la vie des épargnants en utilisant tout simplement les appellations des diverses catégories d’inscription?

On peut ici comparer avec d’autres titres comme ceux de comptable, avocat ou électricien.

On permettrait ainsi au client qui veut faire affaire avec un représentant de facilement valider la réalité d’une inscription et surtout les services qui en découlent. Les informations complémentaires comme la formation ou la spécialisation seraient des ajouts qui n’interfèrent pas avec le titre professionnel.

Cette pratique de titres s’est développée pour des fins de marketing et de business en créant une sorte de prestige pour son porteur et attirer le client. (11)

Pour le représentant comme pour le client, c’est une fausse approche : le plus important ce n’est pas le titre, mais la compétence.

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1 – Avis de consultation des ACVM, Projet de règlement modifiant le Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites, 21 juin 2018

2- Guillaume Poulin-Goyer, C’est la fin des « faux vice-présidents » Finance et Investissement, 21 juin 2018 / Stéphanie Grammond, Les faux vice-présidents descendent de leur piédestal, La Presse Plus, 4 juillet 2018 / Éditorial, Faux titres de vice-président : bon débarras, Finance et Investissement Août 2018

3 – Loi sur les valeurs mobilières, V-1.1, art. 5

4 – Idem (3), arts 97 et 98

5 – Règlement 55-104 sur les exigences et dispenses de déclarations d’initiés (V- 1.1, r.31), 30 avril 2010

6 – Markarian c marchés Mondiaux CIBC inc, Cour Supérieure du Québec, QCCS 3314, 14 juin 2006

7 – Idem (6) Paragr. 263

8 – Idem (6) Paragr.264

9 – Idem (6) Paragr. 266

10 – (OCRCVM, Note d’orientation- Utilisation des titres d’emploi et de titres professionnels, L’OCRCVM propose des pratiques exemplaires en vue d’améliorer la transparence et la surveillance, 8 janvier 2013 ainsi que Glossaire des titres de compétence en finance, 30 octobre 2013

11- Idem (6) Paragr.265

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Note : En lien avec la note (6) notez que l’OCRCVM a sanctionné le représentant  par une interdiction permanente et une amende. (www.ocrcvm.ca/…2004/B728F7BF-1E51-47C5-8D87-771EA90A2C58 fr.pdf)